Qu’est-ce que la biodynamie, comment se pratique-t-elle en Champagne ? Les champagnes bio recouvrent une surface d’environ 2% de la surface totale (soit environ 200 domaines) en Champagne, les champagnes biodynamiques forment une part de ces 2% (soit environ 45 domaines), autant dire qu’ils ne concernent qu’une grosse poignée de vignerons en Champagne mais nombreux sont ceux en cours de conversion.
Pourtant, les vignerons en biodynamie font couramment parler d’eux, non pas forcément parce qu’ils sont d’excellents communicants (même si c’est parfois le cas) mais souvent aussi parce que leurs champagnes sont vecteurs d’émotions, d’authenticité, de subtilité. On y découvre chez eux aussi régulièrement une patte plus précise, plus tangible aussi, le vigneron s’expose ici clairement.
Peut-être peut-on imaginer un vigneron prendre cette voie par souci mercantile mais force est de constater que parmi les vignerons convertis, par leur quête d’excellence, de pureté, et surtout leur débauche d’énergie, la plupart parvient à se hisser à un très haut niveau de qualité.
La contrepartie pour nous amateurs de champagne, c’est que le ticket d’entrée est forcément plus élevé, difficile de trouver un champagne biodynamique à moins de 30/40€. C’est facilement compréhensible quand on perçoit le travail exigeant que la biodynamie nécessite.
Par ailleurs, récolter un beau raisin donne forcément envie aux vignerons en biodynamie de le vinifier dans les meilleures conditions. Ainsi, ils sont nombreux à valoriser les petits contenants en inox, les fûts, les foudres, les amphores, les œufs en argile, en bois ou encore en verre etc.
Pour mieux comprendre la biodynamie, nous sommes allés à la rencontre de Charlotte du domaine De Sousa situé à Avize dans la Côte des Blancs. Celle-ci est en charge de l’Export et de la communication, c’est également elle qui assure les visites au domaine.
Pourquoi avoir choisi ce domaine ? Déjà car nous avions très envie de le découvrir, le Champagne De Sousa jouit d’une grande notoriété dans la Côte des Blancs parmi les amateurs de Champagne. Par ailleurs, ce domaine nous apparaît comme pragmatique, assez loin des considérations ésotériques. Ce sont avant tout les essais en biodynamie, les résultats probants dans le verre, qui les ont poussés vers cette méthode d’agriculture.
Charlotte de Sousa a ainsi évoqué avec nous les bases de la biodynamie et les raisons qui ont poussé le domaine vers la biodynamie.
Le Champagne De Sousa est un domaine relativement jeune. Charlotte, Julie et Valentin représentent aujourd’hui la troisième génération. L’histoire du domaine est assez particulière car le nom De Sousa est portugais, ce qui est plutôt rare en Champagne. L’arrière-grand-père de Charlotte est en effet né au Portugal et est arrivé avant la première guerre mondiale. Il a survécu à la guerre et a fait venir sa famille en France dans la région Champagne. C’est la rencontre du grand-père de Charlotte et de Zoëmie (née Bonville) qui a permis de créer ce domaine.
Les De Sousa achètent en 1950 la maison qu’ils occupent actuellement où l’on trouve les caves. Ils commencent alors à élaborer du Champagne. Un peu plus tard, c’est Erik, le père de Charlotte, qui a permis au Champagne De Sousa de se faire une place parmi les meilleurs domaines. Dès son arrivée en 1986, il entame une démarche de qualité, vinifie en fûts de chêne. Cela lui permet d’accéder aux marchés à l’export, d’être cités dans les grands guides. Erik est perfectionniste, il gère les 14 hectares du domaine avec rigueur et créativité avec l’avènement de la cuvée Les Caudalies.
Erik se sent néanmoins limité et cherche encore à progresser. De 2000 à 2007, le domaine entame une conversion en bio, il est largement encouragé par ses clients à l’export. En 2010, l’ensemble des vignes sont travaillées en agriculture biologique et obtient la certification Demeter (biodynamie) en 2013.
Erik a su donner envie à ses enfants de suivre ses pas, il leur a donné cette même énergie et cette créativité. Mais il y a aussi de manière évidente autre chose. Il existe ici une incroyable générosité, un souhait évident de donner du plaisir et aussi une rare humilité teintée de discrétion. Julie gère aujourd’hui le vignoble avec son équipe, elle s’occupe également des 2 chevaux du domaine, très utile pour le travail des sols. Valentin s’occupe de la vinification et des traitements (biodynamiques) dans les vignes. 11 personnes travaillent à leurs côtés, élaborer de beaux champagnes en biodynamie exige un travail impressionnant et un matériel adapté.
L’idée est simple, si les raisins sont beaux, il y aura d’autant moins d’interventions à faire côté vinification. Un exemple, concernant la fermentation malolactique, elle peut très bien se faire ou … non.
Charlotte, Julie et Valentin sont toujours à l’écoute de leurs vins, et leurs vins lors de leur élevage écoutent du Mozart, la boucle est bouclée ? En cuverie, on peut également apercevoir un grand Quartz installé fièrement sur un fût pour apaiser les vins et éviter l’oxydation. Les vins reçoivent une dose minimale de soufre pour les protéger.
Dans les vignes, Julie suit pour ses activités un calendrier lunaire avec des jours « Fleur », « Racine », « Fruit » qui ont une incidence sur l’efficacité des traitements. La biodynamie exige de pouvoir traiter tout un vignoble en une journée.
La grande différence entre les produits bio et les produits de synthèse, c’est que les premiers sont de « contact », ils ne restent donc pas en cas de pluie par exemple alors que les produits de synthèse pénètrent dans la sève et sont efficaces pendant un mois.
On peut alors facilement imaginer quelles ont été les contraintes dans le vignoble en 2021 avec la forte contrainte du mildiou et de l’oïdium. Parfois, c’était une question d’heures, un traitement manquant peut permettre à ces maladies de prospérer. La biodynamie exige d’être toujours réactif.
La chance d’être ici à Avize, c’est que la pluviométrie y est plus faible que dans d’autres secteurs viticoles de la Champagne tels que la Vallée de la Marne, qui avec sa géographie induit une humidité plus importante et un risque d’orage et de grêle.
La biodynamie fait appel aux plantes, aux minéraux et aux animaux pour maintenir sain un vignoble. Ainsi, l’introduction de silice dans l’eau sous forme d’aspersion, offre à la vigne une sorte de cocon blanc qui la réchauffe et qui, au moment de la sortie de fleur, l’aide à « bien grandir ». Le domaine ne perd pas son pragmatisme, les tailles, les vendanges, sont pratiquées en fonction du calendrier lunaire quand c’est possible. Il faut aussi travailler avec des hommes et des femmes, qui ont, eux aussi, leurs contraintes.
La célèbre bouse de corne ou P500 est elle aussi utilisée en octobre après les vendanges pour remettre de la vie dans le sol. Le travail des sols consiste à labourer ou à tondre en fonction des besoins ou de la période. On peut ainsi laisser pousser l’herbe en fonction du PH du sol et on pousse ce raisonnement pour chaque rang de vigne.
La gamme s’articule autour de 6 cuvées de champagne auxquelles s’ajoutent depuis peu 2 magnifiques coteaux champenois. Le domaine De Sousa élabore des champagnes de caractère, c’est évident, avec un profil relativement riche mais aussi appétant grâce à cette tension qu’on trouve souvent dans la Côte des Blancs.
Le domaine est ouvert aux visites une bonne partie de l’année. Depuis quelques mois, le Champagne De Sousa propose également des visites pour les malentendants.
Champagne De Sousa
12 Place Léon Bourgeois à Avize
Tél : 03 26 57 53 29
@ : contact@champagnedesousa.com